Décision du Conseil d’État du 7 juin 2024 (n° 490468)
Le Conseil d’État a rendu le 7 juin 2024 une décision importante concernant le mécanisme du décompte général et définitif (DGD) tacite dans les marchés publics soumis au CCAG travaux. Cette affaire précise les conditions dans lesquelles un titulaire peut se prévaloir d’un tel décompte et clarifie l’articulation entre les articles 13.4.4 et 50 du CCAG Travaux :
- Elle conforte l’efficacité pratique de la procédure de DGD tacite qui a pour objet l’établissement du solde du marché dans des délais raisonnable. Le pouvoir adjudicateur doit notifier un décompte général pour y échapper, sans qu’une simple contestation de principe du projet de décompte final soit efficace.
- Elle clarifie le champ d’application de la procédure de l’article 50, en en excluant les différends nés postérieurement à l’acquisition du caractère définitif du décompte général.
Contexte de l’affaire
La société Entreprise Construction Bâtiment (ECB) avait obtenu le lot n°1 d’un marché de travaux pour la construction d’ateliers artisanaux dans la commune de Chessy. Après réception des travaux avec réserves le 22 décembre 2020, la société avait transmis son projet de décompte final le 14 janvier 2021, puis son projet de décompte général le 18 février 2021.
Face à l’absence de notification du décompte général par la commune, ECB sollicita par courrier du 5 mars 2021 le règlement des sommes dues, considérant qu’un décompte général et définitif tacite s’était formé en application de l’article 13.4.4 du CCAG Travaux.
Le juge des référés du tribunal administratif de Melun avait condamné la commune au paiement d’une provision, décision annulée par la cour administrative d’appel de Paris qui avait jugé la demande irrecevable faute de mémoire en réclamation préalable.
Points de droit tranchés par le Conseil d’État
La haute juridiction administrative apporte plusieurs précisions importantes :
- Conditions de formation du DGD tacite : Le Conseil d’État rappelle que « seule la notification au titulaire du marché d’un décompte général, même irrégulier, […] fait obstacle à l’établissement d’un décompte général et définitif tacite ». Le simple rejet des projets de décompte établis par le titulaire n’est pas suffisant pour empêcher la formation d’un DGD tacite.
- Dispense de mémoire en réclamation pour obtenir le règlement du solde du DGD tacite : Le Conseil d’État juge que « la procédure de réclamation prévue à l’article 50 du CCAG ne saurait être applicable au titulaire se prévalant devant le juge d’un décompte général et définitif tacite ». Cette position est justifiée par l’absence de contestation possible du montant inscrit au solde après formation d’un DGD tacite.