Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 09/11/2023, n° 469673
Par cette décision du 9 novembre 2023, le Conseil d’État apporte des précisions essentielles sur la procédure contractuelle de décompte général tacite qui est organisée par le CCAG Travaux 2009 depuis sa rédaction issue de l’arrêté du 3 mars 2014 et reprise en l’état par le CCAG Travaux 2021.
Cette décision précise que la procédure de décompte général tacite n’est pas applicable dans l’hypothèse où un décompte général a été notifié, y compris si ce dernier est irrégulier.
L’affaire opposait la société Transport tertiaire industrie (TTI) au centre hospitalier intercommunal de Créteil concernant un marché de travaux pour la réhabilitation d’un poste de livraison. Après réception des travaux en 2016, un désaccord est survenu sur le décompte général du marché.
Le maître d’œuvre a notifié à la société un décompte général le 27 octobre 2016 faisant apparaître un solde négatif de 347 039,92 euros TTC. La société a dans un premier temps contesté ce décompte en notifiant un mémoire en réclamation. Le pouvoir adjudicateur n’y a pas répondu, rejetant tacitement ce mémoire. Aussi et dans un second temps, contestant la régularité du décompte général -qui n’avait pas été signé par le pouvoir adjudicateur- elle a lui notifié un décompte général en application de l’article 13.4 du CCAG afin, à défaut de réaction de ce dernier, d’obtenir un décompte général définif tacite.
Le pouvoir adjudicateur n’a pas plus réagi dans le délai de 10 jours prévu à l’article 13.4 du CCAG Travaux suite à la notification du décompte général par l’entreprise.
Se posait ainsi la question intéressante du sort de la procédure de décompte général tacite en présence d’un décompte général irrégulier, qui plus est, contesté par l’entreprise par un mémoire en réclamation.
L’existence d’un décompte général tacite a été rejeté tant par le Tribunal administratif de Melun que par la Cour administrative d’appel de Paris.
Dans sa décision, le Conseil d’État pose clairement que « la notification au titulaire du marché d’un décompte général, même irrégulier, fait obstacle à l’établissement d’un décompte général et définitif tacite à l’initiative du titulaire » selon les modalités prévues à l’article 13.4.4 du CCAG Travaux.
Cette position s’appuie sur une lecture coordonnée des articles 13.4.2, 13.4.4 et 50.1 du CCAG Travaux (version de 2009, modifiée en 2014).
La solution retenue apparaît pour le moins protectrice de la maîtrise d’ouvrage. On peut toutefois lui reconnaitre le mérite de la simplicité, notamment si on la compare aux alternatives envisageables :
- Assimiler le décompte irrégulier à une absence de décompte et constater l’existence d’un décompte général tacite ;
- interpréter la réclamation du titulaire comme une « ratification » de l’irrégularité ou encore ;
- considérer que la décision du maître d’ouvrage sur le mémoire en réclamation se substituait à sa décision initiale, la purgeant de ses vices ;
Chacune de ces solutions présentaient sans doute l’inconvénient de générer des procédures parallèles, comme au cas présent, avec un cumul de contestation du décompte et de recherche d’un décompte général tacite.