Assiette d’indemnisation au titre de la garantie décennale et revirement de position de l’assureur dommages-ouvrage

Dans un arrêt du 3 avril 2025 publié au Bulletin, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue rappeler et préciser les conditions de mise en jeu de la garantie de l’assureur dommages-ouvrage (ci-après « assureur DO ») ainsi que les éléments indemnisables en cas de mise en jeu de la garantie décennale due par les constructeurs.

Dans les faits de l’espèce, un maître d’ouvrage avait déclaré un sinistre auprès de son assureur DO en considérant que celui-ci devait le garantir. Après avoir accepté la mise en jeu de sa garantie dans le délai de soixante jours, l’assureur DO a pour certains désordres (objets du sinistre) finalement refusé sa garantie et proposé une indemnisation insuffisante pour le maître d’ouvrage. Ce dernier a assigné son assureur DO et celui-ci a obtenu gain de cause auprès des juges du fond qui ont retenu que les désordres faisant grief n’étaient pas de nature décennale ou étaient la conséquence d’un désordre réservé à la réception des travaux.

Saisie d’un pourvoi par le maître d’ouvrage, la Cour de cassation retient que « (…) l’assureur, qui a accepté, dans le délai de soixante jours, la mise en jeu de la garantie, ne peut plus contester celle-ci en raison du caractère non décennal des désordres, d’autre part, qu’il est tenu, le cas échéant, de verser à l’assuré le complément d’indemnisation nécessaire pour financer les travaux propres à remédier aux dommages déclarés. ».

Ce faisant, la Haute Juridiction retient l’erreur de droit des juges du fond par rapport aux articles L. 242-1 et A. 243-1 du Code des assurances et la garantie de l’assureur DO au bénéfice du maître d’ouvrage.

Le maître d’ouvrage s’est également pourvu en cassation à propos de l’absence de condamnation de l’ensemble des constructeurs (entreprise de travaux et maître d’œuvre) concernés à indemniser le maître d’ouvrage au titre des dommages immatériels liés au dommage à savoir les frais de relogement, de garde-meuble et de déménagement consécutifs à ces désordres.

La troisième chambre civile, sur ce moyen, considère qu’au visa de l’article 1792 du Code civil « (…) tous dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de l’ouvrage, doivent être réparés par le constructeur tenu à garantie en application de ce texte. ». Partant, tout constructeur ayant vu sa responsabilité engagée sur le fondement décennal doit indemniser le maître d’ouvrage sur le terrain immatériel et non uniquement sur le terrain matériel. L’arrêt précise sur ce point que :

« Pour rejeter la demande de M. et Mme [U] en indemnisation des frais de relogement, de garde-meuble et de déménagement à l’encontre du maître d’œuvre, l’arrêt retient que ces derniers ont été contraints de quitter leur domicile lors de la réfection du carrelage et que les désordres affectant celui-ci ayant pour seule cause un défaut d’exécution, ces frais doivent être mis à la charge de M. [J].

En statuant ainsi, après avoir condamné in solidum M. [J] et le maître d’œuvre sur le fondement de la responsabilité décennale, au paiement des travaux de reprise des désordres affectant le carrelage, et constaté que les frais de relogement, de garde-meuble et de déménagement étaient consécutifs à ces désordres, de sorte que ces dommages immatériels devaient être réparés par les deux constructeurs tenus à garantie, la cour d’appel a violé le texte susvisé. ».

Cet arrêt rappelle donc les obligations de l’assureur DO et l’absence de faculté de « revirement » de l’assureur ainsi que l’indemnisation de l’ensemble des préjudices pour le maître d’ouvrage en cas de dommage décennal.

Cour de cassation, Troisième chambre civile, 3 avril 2025, n°23-16.055, Publié au bulletin

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