Dans un arrêt du 10 juillet 2025, la Cour de cassation se prononce sur les modalités d’exonération des constructeurs, du fait du maître d’ouvrage, dans le cadre de la mise en jeu de leur responsabilité du fait d’un désordre de nature décennale.
Ainsi, un maître d’ouvrage avait fait construire une maison d’habituation après avoir conclu un marché de maîtrise d’œuvre et des marchés de travaux. Les travaux ont été achevé sans prononciation expresse d’une réception de la maison. L’ouvrage a été cédé puis les acquéreurs ont découvert des fissures infiltrantes et un affaissement de la bâtisse ainsi que de la terrasse et ont donc assigné le vendeur ainsi que les constructeurs en référé expertise puis au fond après le dépôt du rapport d’expertise.
Les juges du fond ont prononcé une condamnation des vendeurs et des constructeurs sans pour autant que ces derniers ne garantissent intégralement les vendeurs. En effet, les vendeurs gardaient une part de 10% compte-tenu de l’acceptation des risques fait par ces derniers (alors maître d’ouvrage) du fait du défait de réalisation d’une étude de sol et d’une étude de béton.
Cette acceptation du risque par le maître d’ouvrage étant, pour la Cour d’appel de Montpellier en l’espèce, de nature à exonérer partiellement les constructeurs de leur garantie sur le fondement décennal.
Les vendeurs ayant saisi la Cour de cassation d’un pourvoi, la troisième chambre civile de la Cour de cassation retient, au visa de l’article 1792 du Code civil, que :
« Il résulte de ce texte que le maître de l’ouvrage, condamné à réparation au profit de l’acquéreur au titre d’une responsabilité de plein droit, ne peut, dans ses recours contre les constructeurs, conserver à sa charge une part de la dette de réparation que si une faute, une immixtion ou une prise délibérée du risque est caractérisée à son encontre.
Pour laisser aux vendeurs, maîtres de l’ouvrage, une part de la dette commune dans leurs rapports avec les constructeurs et leurs assureurs, l’arrêt retient qu’ils ont voulu faire des économies substantielles en ne commandant pas d’étude de sol et de béton.
En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi les maîtres de l’ouvrage avaient été parfaitement mis en garde et informés, par les locateurs d’ouvrage, des risques encourus par l’ouvrage à défaut de réalisation d’une étude de sol et de béton, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. ».
La Haute Juridiction sanctionne l’interprétation des juges du fond en retenant qu’il appartient au constructeur qui se prévaut de la prise délibérée de risque par le maître d’ouvrage pour s’exonérer de sa responsabilité or tel n’avait pas été le cas en l’espèce puis qu’il n’était pas justifié que les constructeurs avaient parfaitement informé le maître d’ouvrage du risque lié à l’absence d’études de sol et de béton.
Bien que n’ayant pas fait l’objet d’une publication au bulletin, cet arrêt est à souligner dans les obligations de démonstration de la faute du maître d’ouvrage permettant l’exonération du constructeur au titre de sa responsabilité décennale. En effet, seule la démonstration d’une parfaite connaissance du risque auprès du maître d’ouvrage ou une véritable immixtion de ce dernier après démonstration qu’il est notoirement compétent permet l’exonération évoquée.
Cour de cassation, Troisième chambre civile, 10 juillet 2025, n°23-20.135, 23-20.147, 23-22.518