Impropriété à destination et réparation du dommage : précisions et rappels importants de la Cour de cassation en matière de garantie décennale

Dans un arrêt du 16 janvier 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur les modalités (i) d’appréciation de l’impropriété à destination et (ii) de réparation du dommage si celui est de nature décennal.

Pour l’impropriété à destination de l’ouvrage, la Haute Juridiction était saisie d’un moyen tendant à critiquer l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’il retenu que le désordre considéré, à savoir « les phénomènes de condensation dus à l’absence d’écran sous toiture » ne rendait pas l’ouvrage impropre à sa destination.

Au regard de sa jurisprudence en la matière, la Cour de cassation rappelle que « (…) l’impropriété de l’ouvrage à sa destination s’apprécie par référence à sa destination découlant de son affectation, telle qu’elle résulte de la nature des lieux ou de la convention des parties (…) ». C’est ainsi au regard de cette affectation de l’ouvrage que le juge doit apprécier ou non l’impropriété à destination or, la Cour de cassation retient que la juridiction d’appel a commis une erreur de droit en écartant cette impropriété dans la mesure où elle n’a pas recherché à vérifier si cette condensation ne rendait pas le bâtiment affecté au stockage de grains impropre à sa destination.

Ainsi, il est reproché au juge d’appel de s’être borné au fait qu’il y avait de la condensation en raison d’une toiture fuyarde sans examiner l’impact de cette condensation sur la destination de l’ouvrage, ici un ouvrage stockant des grains qui peuvent, on peut l’imaginer, très rapidement se détériorer avec cette condensation.

Pour la réparation du dommage de nature décennale, la Cour de cassation devait apprécier le moyen tendant à contester la décision d’appel ayant prévu la réparation en nature des désordres concernés alors même que le maître d’ouvrage s’y était opposé.

En vertu de l’article 1792 du Code civil et de la jurisprudence de la Cour (Cass. 3e Civ., 28 septembre 2005, n°04-14.586, publié au Bulletin), le constructeur est responsable envers le maître d’ouvrage de tout dommage de nature décennale sans que le premier puisse imposer au second, victime du dommage, la réparation en nature du préjudice subi par celui-ci.

Ce faisant, la Cour de cassation retient que « (…) le juge du fond ne peut condamner un constructeur responsable de désordres à procéder à leur reprise en nature, lorsque le maître de l’ouvrage s’y oppose. » et que la Cour d’appel a violé l’article 1792 précité en retenant que la réparation « (…) tenant à la pose d’un kit de réparation permet de remédier aux infiltrations et que celle-ci constitue une réparation proportionnée et adaptée au dommage sans enrichissement pour le maître de l’ouvrage. » alors même que la maître d’ouvrage s’y était expressément opposé.

Il ne peut donc pas être imposé à un maître d’ouvrage une réparation en nature du préjudice découlant d’un désordre décennal, à peine d’irrégularité de la décision retenant une telle réparation.

Cet arrêt du 16 janvier 2025, publié au bulletin, a le mérite d’apporter des éléments utiles aux maîtres d’ouvrages privés à propos des modalités d’application de la garantie décennale ainsi que des modalités de réparation des dommages devant être réparés à ce titre.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 janvier 2025, 23-17.265, Publié au bulletin

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