L’action en requalification d’un bail dérogatoire n’est pas soumise à la prescription biennale des baux commerciaux

Dans une affaire opposant un preneur et son bailleur commercial, la Cour d’appel de Douai, dans une décision du 23 mai 2024, apporte une précision importante concernant la prescription des actions relatives aux baux dérogatoires.

Faits et procédure

En l’espèce, la société Supermarchés Match avait donné en sous-location à la société Kaiser Food un emplacement extérieur situé sur le parking d’un supermarché à travers deux contrats successifs :

  • Un premier « bail dérogatoire au statut des baux commerciaux » signé le 11 octobre 2016 pour une durée de trois ans jusqu’au 10 octobre 2019, conformément à l’article L. 145-5 du Code de commerce suivant lequel, « Les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l’expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux ».
  • Un second « contrat de sous-location de droit commun » signé le 8 octobre 2019, également pour trois ans jusqu’au 10 octobre 2022, précisant explicitement qu’il n’était pas soumis au statut des baux commerciaux

Avant l’échéance du second contrat, la société Kaiser Food a revendiqué le bénéfice du statut des baux commerciaux, estimant qu’elle était en droit de se maintenir dans les lieux. Elle a assigné Supermarchés Match le 7 novembre 2022 devant le Tribunal judiciaire de Lille pour faire reconnaître l’existence d’un bail commercial statutaire.

En première instance, le juge de la mise en état a déclaré la société Kaiser Food irrecevable à agir, considérant que son action était prescrite sur le fondement de l’article L. 145-60 du Code de commerce qui enferme dans un délai de deux ans toute action relative aux baux commerciaux.

La société Kaiser Food a alors interjeté appel.

Solution et apport juridique

La Cour d’appel infirme l’ordonnance de première instance en rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

La Cour précise que les demandes de la société Kaiser Food visent à faire constater l’existence d’un bail commercial statutaire né du fait de son maintien en possession à l’issue du premier bail dérogatoire, conformément à l’article L. 145-5 du Code de commerce.

Or, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (3e civ., 13 mai 2015, n° 13-23.321 ; 3e civ., 25 mai 2023, n° 21-23.007), la demande tendant à faire constater l’existence d’un bail commercial statutaire résultant du seul effet de l’article L. 145-5 du Code de commerce « n’est pas soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce, ni à aucune autre ».

La Cour renvoie les parties devant le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Lille pour qu’il soit conclu et plaidé au fond, sans statuer sur les demandes relatives à l’existence d’un bail commercial statutaire, ces questions relevant du fond de l’affaire.

Portée de la décision

Cette décision confirme un principe essentiel : l’action en constat d’un bail commercial statutaire né du maintien en possession après un bail dérogatoire n’est soumise à la prescription biennale des baux commerciaux.

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Guimet Avocats

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