Depuis les années 1990, la jurisprudence a connu d’importantes évolutions concernant l’office du juge des loyers commerciaux saisi de contestations portant sur le prix d’un bail commercial renouvelé avec loyer binaire (composé d’une part fixe et d’une part variable) :
- Position initiale restrictive (arrêt « Théâtre St Georges » du 10 mars 1993) : Lorsque les parties ont stipulé un loyer comprenant une part variable, la fixation du prix du loyer renouvelé ne peut être régie que par leur convention et ne peut résulter que de leur accord. En absence d’accord, le juge ne pouvait que rejeter les demandes et le bail était renouvelé à l’ancien prix.
- Assouplissement (arrêt « Marveine » du 3 novembre 2016) : La Cour de cassation a reconnu que les parties pouvaient prévoir, par une clause expresse du contrat, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative.
Dans un important arrêt du 30 mai 2024, publié au bulletin de la cour de cassation, la Haute juridiction complète le corpus jurisprudentiel relatif à la compétence du juge des loyers commerciaux en matière de fixation du loyer d’un bail renouvelé comportant un loyer binaire, en jugeant que le recours au juge doit résulter d’une volonté commune des parties découlant soit du contrat, soit d’éléments extrinsèques.
Trois points sont à retenir de cette décision :
- L’article L. 145-23 du Code de commerce étant applicable à toute demande de fixation du prix du bail renouvelé, sans exclusion pour les baux stipulant un loyer comprenant une part variable, le moyen par lequel une partie à un bail commercial s’oppose à la compétence du juge des loyers commerciaux pour fixer la part fixe dudit loyer, s’analyse en une défense au fond et non une fin de non-recevoir.
- L’absence de disposition contractuelle prévoyant expressément, au sein d’un bail commercial comportant une clause de loyer variable, le recours au juge des loyers commerciaux pour trancher tous différends portant sur le prix du bail renouvelé, ne fait pas obstacle à la compétence dudit juge, dès lors que les parties ont exprimé une volonté commune contraire, soit dans le contrat, soit en vertu d’éléments extrinsèques.
- Le fait que toute contestation sur le prix d’un bail renouvelé ne se résolve pas par une fixation judiciaire à la valeur locative et puisse aboutir au maintien du loyer antérieur, ne méconnaît pas le droit d’accès au tribunal consacré par l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l‘homme (CEDH) et procède de l’autonomie de la volonté des parties, qui conservent leur droit d’option.