La copropriété dégradée est un phénomène ancien, qu’il n’est pas toujours aisé de quantifier. 2.200 copropriétés et 110.000 logements sont pris en charge dans le cadre du Plan initiative copropriétés. Si l’on se réfère au seul seuil des impayés tel que défini par la loi n° 2014-366 du 24 mars pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi ALUR), il y aurait 215.000 copropriétés « fragiles », c’est-à-dire ayant de 15 à 25 % d’impayés et justifiant, en théorie, la saisine du tribunal judiciaire en vue de désigner un mandataire ad hoc (article 29-1 A de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965). Dans son récent rapport rendu le 12 janvier 2022 et publié le 30 mars 2022, « Copropriétés dégradées : mieux répondre à l’urgence », la Cour des comptes constatait cependant une prise en charge tardive par le législateur français de la spécificité des situations des copropriétés en difficulté. Si les premières interventions ont eu lieu dans les années 1990, les dispositifs juridiques d’ampleur sont apparus dans les années 2010 notamment avec la mise en œuvre de dispositifs issus de la loi ALUR (réforme de la procédure d’alerte, plan de sauvegarde complété) poursuivis par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite « loi Élan ».
La loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement revisite en profondeur le sujet en s’intéressant à l’intervention en amont d’une dégradation définitive, à l’accélération des procédures de recyclage et de transformation des copropriétés et aux opérations d’aménagement stratégiques. Composé de 59 articles, elle modifie, plus ou moins substantiellement, de très nombreux textes : la loi du 10 juillet 1965 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis, celle du 6 juillet 1989 sur les baux d’habitation ou mixtes, le Code de l’urbanisme, le Code pénal, le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le Code de la construction et de l’habitation.
Petit tour d’horizon des principales mesures.
- Le traitement des copropriétés en difficulté dans la loi Habitat dégradé
- Le registre national des copropriétés est renforcé avec l’obligation pour le syndic de transmettre davantage de données, notamment sur :
- La situation financière de la copropriété
- Les caractéristiques techniques des immeubles
- L’existence de plaintes ou condamnations relatives à l’habitat indigne
- La procédure de désignation d’un mandataire ad hoc est élargie avec de nouveaux déclencheurs :
- Lorsque les impayés atteignent 25% des sommes exigibles (15% pour les copropriétés de plus de 200 lots)
- En l’absence de vote sur l’approbation des comptes depuis au moins 2 ans
- La liste des acteurs pouvant demander cette désignation est étendue aux copropriétaires représentant 15% des voix, au président du conseil syndical, aux créanciers dans certaines conditions, au préfet, au procureur, au maire ou au président de l’EPCI.
- L’administration provisoire bénéficie de nouvelles dispositions :
- Extension du dispositif fiscal Denormandie ancien aux logements situés dans des copropriétés sous administration provisoire.
- Protection renforcée des sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations contre les procédures d’exécution.
- La procédure de carence est facilitée avec l’instauration d’une présomption de difficultés financières ou de gestion lorsque les comptes ne sont pas communiqués à l’expert dans un délai de deux mois.
- Le syndic d’intérêt collectif, nouvel acteur créé par la loi, peut :
- Intervenir dans les copropriétés faisant l’objet des procédures de mandataire ad hoc ou d’administration provisoire.
- Assister l’administrateur provisoire dans ses fonctions de gestion.
Cet agrément, délivré par le préfet pour cinq ans, atteste de la compétence du syndic pour intervenir dans les copropriétés en difficulté. Les organismes HLM et SEM peuvent être reconnus de droit comme syndics d’intérêt collectif.
- La loi Habitat dégradé et les syndics de copropriété
Acteurs majeurs de la copropriété, les syndics voient leurs missions évoluer.
- Renforcement des obligations d’information
- Registre national d’immatriculation des copropriétés : Le syndic doit désormais déclarer davantage d’informations, ainsi qu’il a été souligné ci-dessus.
- Diagnostic structurel de l’immeuble : Dans certains secteurs définis par les communes, le syndic doit transmettre à la mairie un diagnostic structurel de l’immeuble ou le projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT).
- Information des copropriétaires : Le syndic doit informer les copropriétaires et occupants lorsque l’immeuble fait l’objet d’une procédure relevant de la police de la sécurité et de la salubrité.
- Communication avec les agents municipaux : Les syndics sont tenus de communiquer tout renseignement nécessaire aux agents assermentés du service municipal du logement, sous peine d’amende de 2 250 €.