Aux termes de l’article L. 145-28 du Code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.
Il bénéficie ainsi de tous les droits attachés au contrat de bail. C’est ce que vient souligner un arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2024.
Faits et procédure
Le 29 juin 2017, l’Association sportive du Golf bailleur a délivré à son preneur un congé avec refus de renouvellement de bail commercial, accompagné d’une offre d’indemnité d’éviction, à effet au 31 décembre 2017. La bailleresse a ensuite assigné la locataire en fixation d’une indemnité d’éviction et en libération des lieux. En réponse, la locataire a sollicité, à titre reconventionnel, l’annulation du congé et l’indemnisation de ses préjudices, en particulier l’impossibilité de jouir paisiblement des locaux loués.
La Cour d’appel de Riom a reconnu que l’Association sportive avait, « de manière persistante et répétée, porté atteinte à la jouissance paisible des lieux loués » et constaté une perte d’exploitation subie par la locataire dont les revenus professionnels étaient passés d’environ 37.000-38.000 euros (2015-2016) à 27.000, 20.600 puis 15.500 euros (2017-2019). Toutefois, la Cour d’appel a limité l’indemnisation à la période antérieure au 31 décembre 2017, considérant qu’après cette date, la locataire était « occupante sans droit ni titre » du fait du non-renouvellement de son bail et ne pouvait donc plus prétendre aux droits tirés du bail résilié.
Griefs
A l’appui de son pourvoi en cassation, le preneur soutenait que la Cour d’appel avait violé l’article L. 145-28 du code de commerce en considérant que Mme L. était devenue occupante sans droit ni titre après la résiliation du bail, alors qu’elle avait droit au maintien dans les lieux aux conditions du bail expiré jusqu’au complet paiement de l’indemnité d’éviction.
Solution et portée
La Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 145-28, alinéa 1er, du Code de commerce.
Elle considère que la locataire se maintenait légitimement dans les lieux, en vertu du titre qu’elle tenait de l’article L. 145-28, aux conditions du contrat de bail expiré dans l’attente du paiement de l’indemnité d’éviction. Bailleur et preneur doivent donc respecter les clauses du bail comme si ce dernier était toujours en cours.
Cet arrêt réaffirme le principe du droit au maintien du locataire commercial dans les lieux aux conditions du bail expiré jusqu’au complet paiement de l’indemnité d’éviction. Il précise également que ce maintien s’accompagne de la préservation des droits attachés au bail, y compris celui à la jouissance paisible, dont la violation peut donner lieu à réparation même après la date d’effet du congé.