La question de l’impact des demandes de pièces complémentaires par les services instructeurs sur le délai d’instruction des autorisations d’urbanisme suscite des débats depuis de nombreuses années. Les pratiques des collectivités varient, certaines demandant des documents non prévus par le Code de l’urbanisme et/ou sans lien avec le projet de construction, retardant parfois artificiellement l’instruction des dossiers.
La jurisprudence du Conseil d’État a progressivement encadré ces pratiques, avec des décisions importantes telles que l’arrêt Commune St-Herblain (CE, 9 décembre 2022, n° 454521), qui avait sécurisé les pétitionnaires, permettant à ces derniers de bénéficier d’une autorisation tacite dans l’hypothèse où une pièce non requise était sollicitée.
Dans cette nouvelle affaire, la Commune de Contes avait demandé au pétitionnaire de fournir deux pièces complémentaires pour l’instruction d’une demande de permis de construire : la superficie exacte des parcelles situées en zone UD et une lettre du préfet relative au défrichement des parcelles.
Le pétitionnaire n’ayant pas fourni ces documents, l’administration a considéré sa demande comme incomplète.
Le litige portait sur la question de savoir si le refus de produire ces pièces pouvait faire obstacle à la naissance d’un permis tacite ou d’une décision de non-opposition.
Dans son arrêt du 4 février 2025, le Conseil d’État :
- D’une part, confirme le principe posé par l’arrêt Commune de St-Herblain : le délai d’instruction n’est ni interrompu ni modifié par une demande de pièce complémentaire qui n’est pas exigée par le Code de l’urbanisme. Une autorisation tacite naît donc à l’expiration du délai légal.
 - D’autre part, précise que, si la pièce demandée fait partie des documents expressément listés par le Code de l’urbanisme pour la nature de l’autorisation sollicitée, son absence peut entraîner un rejet tacite. Le juge ne s’interroge pas sur la pertinence ou l’utilité de la pièce par rapport au projet.
 
En l’espèce, seule la lettre du préfet relative au défrichement pouvait légalement être demandée car figurant dans la liste des pièces prévues par le Code de l’urbanisme. La demande de transmission de la superficie des parcelles était, elle, illégale et ne pouvait donc pas suspendre le délai d’instruction.
- Le Conseil d’État a adopté une solution pragmatique et binaire : soit la pièce est prévue par le Code de l’urbanisme et la demande de pièce complémentaire est recevable, soit la pièce n’est pas prévue et alors la demande est irrecevable et n’interrompt pas le délai d’instruction.
 - Cet arrêt, après l’arrêt Commune de St-Herblain, offre aux pétitionnaires une sécurité juridique : les demandes de pièces non prévues par le Code ne peuvent plus retarder artificiellement la naissance d’un permis tacite ou d’une décision de non-opposition. Mais il ne supprime pas totalement les demandes abusives portant sur des pièces sans lien avec le projet et ayant pour seul objectif de retarder le projet.
 
Désormais, seules les pièces prévues par le Code de l’urbanisme peuvent légalement influencer le délai d’instruction. Si le pétitionnaire ne transmet pas une pièce exigible, un rejet tacite peut survenir ; si la pièce n’est pas exigible, le permis tacite ou la décision de non-opposition naît automatiquement.
Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 04/02/2025, 494180